dimanche 18 avril 2010

Vers le passage


Sous une pluie battante, les yeux rivés au trottoir, les poings serrés à en blanchir chaque phalange, un cri grondant comme une tempête salvatrice qui s'extirpe douloureusement de la gorge et s'élancer une nouvelle fois, une dernière fois...

Être là juste au mauvais moment, au mauvais endroit, trop tôt ou trop tard , entre deux attentes ou deux espérances mais hors du temps, à côté de la vie qui file sans s'intéresser un seul instant à ma condition.


Révolte, insoumission, rébellion, sans aucune hésitation je lève mon poing vers les cieux étoilés quand dame Lune s'en est allée, infime particule de mon univers, constellation de désirs assassinés par ces chimères, adoratrices du tyran organique décérébré aux valeurs immondes, je ne m'entache d'aucun compromis, aucun soupçon ou confiance partielle, d'un bloc indivisible ma volonté est sculptée par le rejet et l'amnésie partielle de certain compagnons d'autrefois.


Seul, égaré, éperdu, affamé j'entame mon ultime croisade contre les autres, les normaux et ceux qui se cachent au fond de ma nuit, profitant, abusant de mes faiblesses, de certaines de mes lâchetés pour en moi trouver un refuge quand l'orage vient à les surprendre, quand l'ennui vient à les cueillir au détours d'une vie, d'une perte ou d'une déception.


Compagnon de cellule de trop d'usurpateurs, de cœurs vagabonds aux brisures incertaines et aux âmes maquillées dont la noirceur et l'amertume afflue dans chacune de leur caresses, de leur baisers, de leur paroles, où le mot ami n'est qu'un leurre au doux parfum enivrant et aux saveurs cachant d'autres vérités, où l'instant partagé est lavé trop facilement par l'amnésie consentante.


Nuits de brouillard où il est si aisé de se perdre, d'en oublier la notion de temps au risque de se brûler quand les rayons déchireront l'aube, brûlant la rétine jusqu'aux tréfonds des secrets les mieux gardés, de fausser compagnie à toute forme de raison pour se briser douloureusement quand la compréhension aura rétablie les cruelles certitudes ennemies.


D'injustice en incompréhensions, j'avance le corps en première ligne, parant, esquivant, encaissant, apprenant encore et encore, l'âme enfouie, à l'abri, pour que les coups aux braises incandescentes et les confessions aux larmes acides ne troublent pas son obsessionnelle quête de partage, le cœur épris de naïves idéologies, de candides vénérations, flagellations intimes, punitions sordides aux faciès hideux, litanie aux intonations de sanglots ignorés et étouffés.


Il est si plaisant et si apaisant de s'en remettre à d'autres âmes Lunaires, sœurs de voyage vers l'ailleurs aux intenses émotions mais si vides à l'arrivée où la découverte ne sera qu'une nouvelle plaie intime car le monde insouciant et aux parures trop rutilantes à déjà pris place en la demeure, fouillant, souillant le sanctuaire, s'immisçant jusqu'au moindre fêlures, de la cave sépulture jusqu'au grenier aux pendus, ne laissant que de nouveaux regrets aux lacérations inévitables que l'esprit ne pourra, ne saura, ne voudra jamais reconstruire, rebâtir car tout ne sera alors que parodie et simulacre.


Quand le reflet du miroir se ternit, qu'il est devenu impossible de repasser de l'autre côté, il ne subsiste plus aucun espoir, plus aucune alternative, seulement prendre la main à ces estropiés, ces fous aux regards lucides et les serrer jusqu'à en savourer l'infinie solitude, se repaître de sa condition d'exilé pour au cas où un passage, une fissure se dissimulerait, ne jamais oublier que c'est ici ma place, au milieu de ces clowns blancs, de ces poètes aux relents alcoolisés dont chaque prose, chaque mot est une nouvelle leçon et que tout le reste n'a aucune valeur, aucune importance.


S'en reviendra la nuit et ses nuages de pluie, quand le vent viendra me souffler qu'il temps de partir, je laisserais encore ma tête se briser sur ces murs de trahison, pour libérer mon esprit de sa masse charnelle et offrir une sublime procession à mon âme loin de mon cœur cimetière.


Dernier acte, dernière notification seulement pour que le marbre soit entaché d'un doute ou d'une vérité trop ténébreuse pour être acceptable, je repartirais nu et sans rien emporter pour que le voyage dans les limbes soit léger et rapide, pour que l'embarcation ne chavire pas sur les remous du Styx menant vers ces horizons rougeoyants.

Aucun commentaire: