samedi 17 avril 2010

Et pourtant...


Au matin blême j'ai enfin ouvert mes volets de bois.
Dehors la pluie balayait l'horizon comme pour effacer le paysage inanimé où la routine, figée dans son inutilité frustrante, guidait ces êtres livides dont les pensées jamais ne s'évaderont plus loin que le bout de ce trottoir abîmé.

Non rien n'a changé, le monde avance, la vie s'écoule et l'avenir fuit déjà l'horizon incertain et brumeux, loin de moi, sans moi spectateur désabusé de cette représentation répétitive et austère.

Rien n'a bougé et pourtant...


Revenir vers la vie, s'échapper de la nuit comme sortir d'un étrange et merveilleux rêve où tout semblait réel, où chaque mot avait sa propre valeur, chaque silence son intense signification et chaque seconde filait vers l'éternité laissant derrière elle une longue traînée invisible de merveilleux souvenir à peine effleurés, pour au final se retrouver là, comme un enfant au yeux encore rougis, cherchant un endroit où poser sa lourde tête mais ne trouver que la vitre froide et humide pour accueillir la déception et la tristesse.
Comme avant et pourtant...

Chercher une raison, rien qu'une pour regarder devant soi, se dire que tout est écrit dans le grand grimoire de la vie, que tout est perdu d'avance même si l'instant présent, parfois, vaut la peine d'être vécu, partagé et sublimé quitte à en payer un lourd tribut quand la page se tournera et que le dernier chapitre sera encore loin, bien trop loin pour espérer se perdre dans le labyrinthe de l'amnésie salvatrice.
Éternel recommencement tellement prévisible et pourtant...


Il va falloir encore creuser dans cette chair morte, ériger une nouvelle stèle, graver ce nom dont chaque lettre se consume encore dans la nuit et de temps en temps venir s'y recueillir pour ne pas oublier le visage de ce fantôme, le regard de cette douleur et le goût de ces regrets.

Quand les loups chanteront de languissantes mélodies, quand le vent dansera jusqu'à son dernier souffle, je serais là, accroupi, les yeux écarquillés comme pour essayer de voir le dernier cadavre ensevelit dans ce sol amant, seul face à ma désillusion, princesse aguichante et dont la fidélité m'a été maintes fois prouvée et pourtant...

Il y avait là-bas ce regard empli de tant de vie, ses lèvres aux désirs tumultueux et ce corps aux courbes affolantes de sensualité, juste une âme refuge où affronter l'avenir, petite graine de plaisir s'évadant du grand sablier mais s'évaporant au moindre doute, à la moindre absence.
Tendre les bras affamés et enlacer l'aube naissante dans ses yeux reflets, là où la passion et l'amour semble y puiser leur source d'espoir, comme si enfin chaque émotion avait un sens et chaque sensation sa justification, et pourtant...

Se lever au matin blême, sans but précis, sans raison apparente, simplement pour continuer, le corps brisé, l'âme un peu plus flétrie et le cœur cimetière un peu plus fleuri.
Voyageur sans destination aux bagages bien trop lourds, lapin fou poursuivant les secondes perdues, passager de la pluie aux larmes d'automne, je reste là à observer le miroir qui renvoi de moi cette image, cette vison, où rien ne semble avoir changé, et pourtant...

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