vendredi 26 février 2010

L'Ame de Ian Curtis


Il y a dans le regard perdu de Ian une part de mes yeux, il y a dans ses larmes le goût de mon sel et dans son ultime geste l'apaisement qu'il me manque encore. Âme désarticulée, corps marionnette aux fils désaccordés, papillon nocturne cherchant l'évasion dans la lumière des projecteurs, cœur scindé en deux et pourtant débordant d'un amour d'une pureté éblouissante.

Quand la douleur est si vive qu'elle vient a s'immiscer jusqu'au plus profond de moi, vers lui je me tourne et d'un simple regard, comme s'il était mien, je sais qu'il ni a aucune autre voie pour exister. Se sentir vivre encore un peu, avoir un peu plus mal de ne pas savoir arrêter d'aimer, l'autre, soi-même et personne à la fois.

Sentir son corps s'abandonner sur ces mélodies lancinantes et désespérées où ces mots se font miens, où chaque pas semble mener vers la chute, moment de grâce, quand le rayon de lumière artificiel vient illuminer son visage d'ange ténébreux, fermer ses yeux pour retrouver le chemin menant à son âme tourmentée, puis offrir un regard au monde alentours pour mieux ressentir la douleur de l'incompréhension.

Etre solitaire aux effluves amantes, froides et vénéneuses qui ne semblent exister que lors de ses représentations publiques, timidité soulagée par l'obscurité ambiante, laissant le corps hors de contrôle, s'abandonner et se laisser porter par ces vibrations, tourner, reculer, partir ici et là, sans but, sans destination car cette dernière danse est sans fin, sans partage véritable mais qui ne laisse plus l'esprit s'emparer de la scène, révéler encore et encore que seule l'âme a une véritable valeur.

Ian s'en va, déjà son regard est absent, il plonge avec son âme mise à nu, ensanglantée par ces choix qu'il ne comprend plus, qui n'ont pas lieu d'être car l'amour sous toutes ses formes font parties de lui, ne pas faire de compromis, juste essayer de conserver cette position incontrôlable.
Partir pour être mieux présent, aimer pour mieux souffrir, sombres idées s'immisçant au plus profond de mon être, m'emportant vers cette atmosphère qui a toujours été mienne, qui semble tant être sienne...

Un jour, quand l'aube se fera trop froide ou trop claire pour mes yeux endoloris, je suspendrais ma vie comme lui, juste pour m'élever un peu, et peut-être enfin apercevoir que après il ni a rien de plus, mais seulement sentir cet apaisement au plus profond de moi, comme le moyen le plus simple de ne plus rien endurer, de ne plus être déchiré entre amour et passion, mon ultime choix.


Ian Curtis, leader du groupe mythique de rock anglais des années 70 et 80, Joy Division, tiraillé entre la célébrité, sa vie de famille et son amour pour une autre femme, s'est pendu à 23 ans, le 17 mai 1980, à la veille de la tournée américaine du groupe qui s'annonçait triomphale.
Ian Curtis a changé le rock, sans le vouloir, sans le savoir.



mercredi 24 février 2010

Fermes tes Yeux...



Sèches tes larmes,
Et refermes tes yeux.
Ainsi tu repartiras vers hier,
Ainsi se réalisera ton ultime vœu.

Je serais de nouveau là,
Tout près de toi, avec toi,

Comme autrefois, souviens-toi,

Et on s’aimera sur ces vieux draps.


Même si mon absence
T’empêches de croire en cette présence
N’y pense surtout pas
Surtout, tes yeux, ne les ouvres pas

Reste encore un peu là
Égarée parmi ces souvenirs

Qui ne sont qu’à toi et moi

Et qui encore nous font vivre


Alors enlèves ces larmes de tes yeux
Et refermes ce beau regard bleu
Je serais de nouveau là, lové dans tes bras

Derrière tes paupières je m’endormirais contre toi…

dimanche 21 février 2010

Requiem for a Son


Sous cette carapace de cuir aux craquelures significatives, le cœur de chair molle au sang impur semblait espacer ses battements. Comme si chacun était précédé d'une hésitation, d'une réflexion et enfin d'une décision.

Effluve sanguine irriguant les champs improbables de mon esprit dont l'étendue semblait se heurter aux parois bien trop rapprochée de mon crâne bosselé. Fulgurance d'une idée, dégénérescence d'une émotion, délectation d'un sens, tout semblait prétendre à l'absolution face à la beauté de certains sentiments, moments rares dont chaque funérailles furent de magnifiques cortèges de sanglots mélodieux, de peintures aux tons sépias révélant une lumière intense et pure, de fantastiques ballets aux cortèges disparates et silencieux.

Accumulations de mots aux douces saveurs du partage, de complicité dont la faiblesse était de croire à l'immortalité, de regards aux profondeurs abyssales et à la magnificence insoutenable, de caresses innocentes dont la violences de l'étreinte n'était que réconfort et sérénité, de tant de secondes cumulées, enfermées, blotties au fond du coffre aux trésor que l'enfant serre contre sa poitrine au pays des rêves. Puis tout s'éteint, s'ensevelit, disparition assassine, injuste, intolérable mais pourtant supportées, endurées tant bien que mal, malgré la douleur, les larmes, l'absence dans son interminable cruauté...

Mais le combat continue, s'amplifie, s'intensifie, prenant des airs de déjà-vu, intimes mais pourtant inconnus, l'âme écartelées aux quatre vents, le cœurs surnageant sans aucun espoir dans l'océan des eaux aux heures sombres et l'esprit divaguant vers un passé sur le frêle esquif des souvenirs, cherchant éperdument du regard, les rivages de l'ile aux enfants perdus. Retourner vers la terre sainte des années sans craintes, retrouver ces bras amants et cette tendresse aujourd'hui disparue dans le grondement de l'immonde et impétueuse tempête maladive, chimique et fatale.

Comprendre que tout est fini, que le combat est inutile car l'ennemi est bien trop puissant et enfin baisser les bras, bien trop faibles face aux poids des années disparues et des amours déchus, s'agenouiller face au destin et tendre sa nuque dans une ultime révérence. Juste pour que l'orage cesse, pour que le tumulte incessant s'en aille au loin, me libérant du joug de ce terrible tortionnaire aux allures de fantôme aux milles visages et aux milles parfums. Sentir le vide s'emparer de mon corps, le délestant de toutes ces questions, ces hésitation et autres incertitudes pour enfin trouver une réponse limpide, effrayante mais tellement évidente.

Comment accepter cette absence, ce manque blessant et ne garder comme dernière image que ce visage blafard au regard trop tôt devenu étranger ?
Comment retenir ces larmes quand la nuit se perdent dans ces limbes alcoolisées et qu'au milieu des volutes de cigarettes reviennent, lentement, doucement ces spectres amicaux ?
Comment éteindre ces incendies que mon cœur allume dans mon esprit enraciné et que les vents de la colère attisent à chaque bourrasque-souvenir ?
Comment dire adieu à ceux que l'on a tant aimé, à celle qui nous à tout offert et dont la dette que je porte en moi jamais ne sera réglée ?
Comment vivre encore une nuit, une heure, une minute, une seconde de plus en sachant que tout cela est perdu à jamais ?

Retrouver vers le néant, cordon ombilicale de corde vêtue, parure cinglant mon cou tendu juste pour se dire que rien n'est fini mais que toute fin est un dernier recommencement. Partir le sourire aux lèvres, les yeux au bord de l'horizon et fredonner une ultime fois cette berceuse lointaine pour ne pas s'égarer dans ces terres inconnues où enfin l'âme sera libérée de cette lourde chair inutile et indolente.

Il y a quelque part, ici ou ailleurs, un arbre centenaire qui m'attend, au fond d'une nuit venteuse au cœur d'un dernier hiver et dont chaque pas, chaque mot, chaque ligne que je parcours, me mène vers lui. Requiem pour un fou, ballade d'un orphelin dont le chant-murmure se confond avec les longs mugissement du vent sur la cime de l'immense forêt de la solitude.

Jamais plus je ne serais un fils, même imparfait et trop souvent absent.

vendredi 19 février 2010

En Terre d'Ailleurs


Il y a des songes dont on ne revient pas, de petits endroits précieux et jalousement dissimulés, aux vastes étendues sans fin peuplées d'arbres et d'Océan, qui sont le seul refuge pour les voyageurs égarés, les somnambules funambules, les marins aux barques chavirées et les poètes rêveur au cœur éponge.


A l'heure du coucher, quand la fatigue venait à caresser mes paupières endolories, j'avais préparé mon baluchon la veille ou juste avant, n'y mettent que de précieux objet dont l'inutilité pouvait toujours se faire ressentir.
Mon vieil ours en peluche aux coutures étirées, un bouton de manteau à quatre trou, très important les quatre trous, une photo jaunie d'une île inconnue indiquant le nord, une grosse paire de chaussettes rafistolées au pouce gauche et un paquet de biscuit aux pépites de chocolat mais qui avaient déjà été soigneusement retirées et dévorées par l'inquiétant locataire de mon placard.
J'étais prêt pour mon voyage vers l'Ailleurs, contrée aux mille dangers mais dont la beauté était dissimulée aux hommes-fourmis, qui accaparées par leur quotidien, se contentaient de soupirer très fort ou de crier très haut que tout cela n'est que pure invention et que seul leur monde existait.

La fourmilière et ses usines aux bras sans visages produisaient en permanence frustration, jalousie et regrets, leur offrant cette monnaie de pacotille qui semblait pourtant leur suffire.
Mais en Terre d'Ailleurs ce n'étaient que de petits bouts de papier très laids ne servant qu'à allumer mon feu de joie quand la nuit se faisait trop froide ou trop solitaire, ou quand terrassé par la fatigue pour faire fuir ces loups, insatiables joueurs aux sourires malicieux et dont la triste sérénade berçait mon sommeil agité par les souvenirs d'ici.

"A-t-on jamais vu qui que ce soit acheter une once d'amour, une lichette de larme ou un grand éclat de rire avec cette monnaie de fourmi", s'était écrié le Roi des Loups au milieu d'un festin donné en mon honneur pour m'accueillir, moi le petit homme de Lune.



J'aimais retrouver mes amis en Terre d'Ailleurs, même si pour cela je devais parcourir de vastes étendues hostiles, aux sables chauds et aux dunes dorées dont la hauteur semblait lécher l'astre de feu dont le regard brûlant perçait tous mes secrets et m'affaiblissait au fil du temps qui semblait s'allonger inexorablement. Comme si tout ce sable ne voulait plus regagner le grand réceptacle de la vie, horloge immense dont les aiguilles parfois venaient à me tit
iller les pieds quand le réveil se mettait à résonner au loin.

Il y avait là de terribles prédateurs attirés par la douceur de ma peau trop claire et le son des petites comptines que je murmurait, les yeux clos, à mon ourson blottit contre mon cœur. Il fallait que je le rassure, il était si fragile et peureux que le moindre bruit, moindre souffle du vent parvenait à le faire trembler et parfois un petit cri plaintif parvenait à mes oreilles, quand je le faisait regagner mon sac en toile de nappe.

Je marchais depuis des heures, des semaines ou quelques seconde quand au loin j'aperçus enfin l'immense forêt des gens du formidable cirque Tetrallini, autrefois sous le joug de maîtres fourmis mais qui aujourd'hui avait trouvé sa place au milieu des arbres dansant.
Mais il fallait que je garde encore un peu mes yeux fermés, pour que les démons affamés du désert ne me vois pas et que les rayons qui me dévisageaient ne parviennent pas à deviner ce à quoi je pensais.

Enfin je gagnais la clairière dont la fraîcheur parvenait à instantanément panser mes brûlure et offrait à mon regard mille merveilles et mille senteurs enivrantes. J'enlevais mes petite chaussures en toile et sortait mon paquet de biscuit afin de grignoter un coin.



J'aurais tant aimé m'enfoncer plus loin, traverser le ruisseau de coton et de lavande, me laisser porter par dessus la colline des Amour aux Soupirs par de grands aigles voltigeurs et dont l'agilité m'impressionnait. Courir sur le sentier des coquillages au doux parfum de cannelle, jusqu'au bout, tout au bout. Puis passer à travers le grand tronc, où est gravée la merveilleuse phrase, que la voix de nulle part me murmura à l'oreille une nuit où je m'étais perdu dans ces bois : « En offenser un, c'est les offenser tous », et me présenter devant la roulotte de Hans l'illusionniste et de sa douce Frieda, sans oublier de cueillir au passage un bouquet de fleurs sauvages et colorées pour les belles Daisy et Violet, simplement pour les saluer, accolade chaleureuse et étrange car finissant toujours par de longs rires cristallins et mélodieux, déclenchant une grande farandole où jamais plus aucune fourmi ne viendrait se moquer ou s'apitoyer sur nous.

Mais il se faisait déjà tard et j'étais attendus à l'autre bout de ce monde, juste après les Îles aux Enfants Oubliés, infestées par ces terribles crocodiles aux yeux jaunes et vitreux mais dont la lenteur et la maladresse, faisaient rire aux éclats d'autres petite hommes lune, eux aussi évadés de la fourmilière et qui là, avaient trouvé un refuge où ils attendraient que l'éternité se couche sur l'Océan pour retrouver leurs souvenirs.

Mon bateau n'était plus très loin car jusqu'à moi parvenait le son de la cloche annonçant le proche départ.
Je dévalais la pente en riant, les yeux en larmes et mon cœur semblant précéder chacun de mes pas. De mon sac, dépassait la tête mon ourson où sur son visage, malgré son œil manquant, semblait se dessiner un large sourire car lui aussi, il savait...



"Au bateau matelot où mon sabre vous poussera au bout de la planche", criait le capitaine Big Jack Horner, terrible boucanier dont le nom était craint bien au-delà de la fin des mers au reflets d'azur. J'arrivais devant la passerelle vétuste mais qui sous mon poids léger n'émit aucun craquement et enfin j'embarquais sous le regard amusé de Jack qui au passage en soulevant son bandeau me fit un clin d'œil.

Je m'installait à l'avant du bateau, assis tenant mon ours contre moi et passait le temps à compter les lever de soleil et les coucher de lune, dame Lune qui un jour m'enfanta au détour d'un poème qui fit couler ma première larme et dont le sanglot étouffé parvint jusqu'à elle.
Là-haut la vigie chantait à tue tête une vieille chanson de marin que tous reprenaient en cœur. Les canonniers crabes nettoyaient leur armes, les matelots baleine hochaient la tête en lavant le pont, faisant semblant d'ignorer les quolibets peu gracieux que leur lançaient les armuriers dauphins.

A la barre Big Jack fixait l'horizon empourpré et dont les couleurs faisaient naître un halo, qui me rappelait l'arc-en-ciel au pied duquel vivait mon ami Warwick, comptant et recomptant ses pièces de papier doré, fumant sa vielle pipe au parfum d'ambre et de musc.
Quand arriva le moment de se séparer, tous entonnèrent un chant triste sans paroles, les mousses sardines firent descendre ma petite barque et délicatement me déposèrent à l'intérieur. Je regardais une dernière fois le grand bateau pirate s'éloigner toutes voiles dehors, puis je fixais l'horizon où se découpait enfin les contours de ma Terre d'Ailleurs.

Le vent était le premier à m'accueillir, gonflant la frêle voile de mon esquif, poussant, tirant, pour me laisser m'échouer avec une certaine délicatesse sur la plage aux Rivage Inconnu, bout de sable où il y avait là cette petite cabane que j'avais battit avec mon ourson lors d'un précédant voyage. J'étais chez moi...



La nuit n'allait pas tarder, déjà on apercevait le bord de son long manteau étoilé. "Vite, vite ", me soufflait mon compagnon de peluche, "il ne faut pas faire attendre mère". Je vidais mon sac sur le sol et attrapait le bouton à quatre trou. Voilà, mon ourson, devenu bien plus grand que moi, enfin recouvrait la vue pour assister au magnifique spectacle que la nuit allait nous offrir. Je me blottissais contre ses gros bras cotonneux car la fraîcheur m'avait saisi comme cette mélancolie qui m'envahissait à chaque fois. Il y eu de nombreuses étoiles filantes, cavaliers fous parcourant le ciel sans but ni finalité mais dont la cavalcade lumineuse nous enchantait. Les nuages porteur de pluie s'effaçait lentement dans une grande révérence car la reine était annoncée.

Dame Lune arriva, répandant ces longs doigts à la pâleur enivrante, illuminant mon visage émerveillé par tant de beauté et resta là, à mes côtés, près de moi me chuchotant de merveilleux mots silencieux qui nourrissaient tendrement mon cœur fêlé.


Bientôt les premières lueurs de l'aube assassine, allaient apparaître tout là-bas, juste au-dessus de l'horizon assoupi et je savais qu'elles annonceraient l'heure de mon retour.
Mon compagnon tristement me regarda et se dirigea lentement vers la cabane, traînant ces pattes sur le sable de notre plage où de nombreuses fois nous avions bâtis de fantastiques châteaux aux greniers remplis de secrets. Je rentrais à mon tour, sans me retourner pour ne pas blesser ma tendre Lune et récupérait mon ballotin, prêt, bien malgré moi, à retrouver cet univers fourmilière où je n'existais pas, où je n'étais rien, juste un petit homme lune, blessé, maltraité et solitaire.

Le monde des fourmis déjà devait s'agiter, allant jusqu'à bruyamment heurter le vernis délabré de mes volets en bois, mais que la pluie, gardienne de mes peines, chasserait par bourrasque à tour de bras.....

mardi 16 février 2010

Ombre Lunaire



Quand l'ombre s'efface, il ne reste rien...

Une fois la peinture au teint pâle retirée de mon visage, quand les projecteurs s'éteignent, quand la foule se retire un sourire au lèvre et le cœur léger, je peux enfin me retrouver. D'un habit de lumière aux flamboyances aguicheuses, je revêt mes plus obscurs dessein, mes plus sombres pensées. Je retourne vers ces ténèbres grandissantes quand Dame Lune s'en revient me prendre par la main. Enfant Lunaire aux songe étiolés, aux rêves effilochés, je me complète enfin, retrouvant mes esprits aux bord de la falaise de la raison où si souvent je me laisse tomber pour m'abrutir, pour me briser, pour me sublimer.

Me noyer dans ces tourments pour en extraire la pureté d'une douleur, la complexité d'un rire ou la profondeur d'un regard égaré, comblant mon âme affamée dont chaque sens acquiert étrangement une perception différente, une dimension grisante où le moindre détail, la plus infime des fêlures, le plus petit des interstices devient l'objet de mon désir le plus brûlant. Je ne suis rien quand l'aube fait de moi ce simple comédien, bouffon aux grelots trop bruyants, clown grotesque au rire profanateur et que seul l'ombre vient sauver de l'anonymat et de la rationalité.

Comme un prolongement de mon intimité, il y a avait là la part la plus obscure de mon être, aux regards de tous, dissimulé dans un phénomène naturel, l'essentiel de ma richesse, où les plus lourds, les plus doux et les plus terribles des secrets étaient amoureusement conservés. Que serais-je sans elle, qui serais-je sans elle ?

Sortir de l'ombre pour m'exposer à la lumière, froide et fade où tous ces enfants solaires se complaisent en ne voyant là que le futile et le vide, chair et parures surestimées où sans mon ombre je ne pourrais que me perdre, m'oublier et ne plus retrouver mon chemin vers cet autre que je suis. Dans l'ombre de mon corps aux contours incertains et changeant, comme un trompe l'œil, une terre sans frontière, un univers sans limite s'élevant au-delà de la voûte étoilée existait.

Quand la pénombre s'avançait, annonçant la fin du spectacle, que mon cirque se vidait des derniers regards, je pouvais m'affranchir de tous ces dogmes et autres insignifiantes processions pour procéder au rituel de ma renaissance.

Au milieu de ma nuit de solitude, là où seuls les regards des fous et des saltimbanques viennent à se perdre , mon ombre loin de disparaître, venait à se fondre dans les ténèbres ambiantes, entité spirituelle aux ailes de velours, voyageur téméraire d'un royaume à la beauté douloureuse et à la laideur attirante, où enfin je pouvais laisser couler ces larmes de joie et éclater ces rires aux résonances inquiétantes.

Mon corps simple réceptacle de mes sens aiguisé n'avait plus de valeur, juste parfois véhicule d'un désir trop violent, d'un plaisir aux troublantes intonations, mais dont le guide au feu immense, à l'éclat de rire tragique, pouvait inlassablement se repaître de ces mots à peines murmurés, de ces regards hésitants et de ces non-dits aux silences équivoques, qui au matin levant seront de lourdes chaînes grinçantes, aux regrets culminant vers les monts éternels d'un passé trop vite dilapidé.

mercredi 10 février 2010

Au Royaume Éphémère


Il existe un combat incessant, une lutte acharnée dont chaque affrontement est d'une violence inouïe, véritable guerre intime entre deux adversaires ancestraux qui jamais ne pourront se concilier. Ultime assaut de la raison pour ne pas entraîner la chute inévitable qui se profile déjà sur l'horizon couchant, instant où le maître temps s'affole et se contracte, se crispe entraînant chaque seconde vers les abîmes de l'oubli, terrifiante armada d'arguments et autres escadrons de réflexion balayés d'un revers par la puissante guérilla du cœur, général aveugle et sourd, dont la folie guide sa stratégie, enfonçant toutes les résistances de papiers, tous les barrages de fumée sur le long et pénible chemin menant au trône.

Quand les ténèbres silencieuses, envoûtantes et grondantes s'abattront, les cieux déchirés viendront enflammer avec fracas et démesure le champ de bataille ensanglanté par les larmes et les remords pour célébrer le vainqueur, despote amnésique aux pages blanchies par les erreurs et les égarement.
En ce royaume nocturne, aux longs arbres décharnés aux pendus dansant et aux longues avenues désertées sous la pluie , il ni a pas de place pour le perdant, aucune pitié n'est tolérée, seulement les remords de la veille reconvertis en regrets du lendemain, et au milieu quelques heures à combler, a sublimer, a souffrir pour repousser l'amertume de la vérité, tenir coûte que coûte sur le trône de cet empire éphémère, jusqu'à l'aube ennemie et brûlante, dont la brutalité et la ponctualité me lacère profondément, m'apportant tant de raisons implacables pour ne plus vouloir assister à ma déchéance quotidienne.

Roi d'un univers de ruines mais où se cachaient les plus fabuleux des trésors, les plus valeureux guerriers et les plus douces muses dont chaque regard, chaque rire alimentait ces poètes aliénés aux passions dévorantes. Derrière ces murs sombres de chair et de sang, il y a avait là un véritable refuge pour les estropiés, les fous, les martyrs et les saltimbanques. Formidables soldats aux armes de prose et aux armures de désinvolture, qui avec frénésie sublimaient chacune des secondes que le sablier leur offrait, ici loin des regards de l'inquisition diurne, loin du jugement dernier dont le son des cors résonnait déjà par-de là l'horizon.

Dans cette lutte fratricide, mon cœur à trop souvent vaincu un adversaire, il est vrai parfois trop conciliant, trop faible, trop lâche pour m'éloigner de la nuit et de ces illusions destructrices. Brûler ses instants en s'éloignant du reflet accusateur du miroir, gardien inébranlable des souvenirs entachés de ces erreurs et de ces fausses croyances, quand le messie passion clamait haut et fort que tout était là et qu'il fallait simplement s'en saisir.

Se noyer dans de faux espoirs, dans de somptueux sentiments et de voluptueuses sensations, que l'éclat de Lune semblait rendre éternel, quand sous les cieux étoilés, la raison assoupie me laissait seul à la barre de mon navire, le guidant vers ces phares illusoires, qui n'étaient que d'immenses feux entretenus par le désir, m'amenant vers ces terribles et blessants récifs de trahison. Sur le carnet de bord, bien avant que l'aube n'arrive, je m'empressais de tout effacer, ne laissant aucune trace, aucun détail ni la moindre preuve de ces échecs et de ces désillusions, juste pour qu'au prochain affrontement la raison n'en fasse son arme favorite.

Dans mon Royaume aux heures creuses et silencieuses, je comprend le sens de ces appels que je perçois si souvent. Sur la plus haute colline déjà j'aperçois les préparatif de mon départ. Il faut juste réussir à s'extraire de ces obligations, se débarrasser de certaines voies menant aux autres, ceux qui restaient là, la bouche grande ouverte quand dame Lune envoyait ses plus belles étoiles traverser le ciel aux nuages bienveillants, ceux qui d'un mot, d'une note, d'un dessin semblaient perdre la raison, perdre l'équilibre sous la fulgurance de la beauté ou de la laideur selon le miroir devant lequel on se tenait.

Réussir à s'évanouir dans les ténèbres, s'allonger dans la brume suspendue, se noyer dans ces torrents de pluie pour ne plus laisser la moindre chance à ceux que l'on aimait d'un sourire ou d'un gémissement de nous retrouver trop tôt, trop vite. Il y a dans chaque douleur, une beauté, une puissance et une folie qui parfois sauve les âmes égarées, les guidant à travers les nuits solitaires et brumeuses vers l'oubli ou le néant.

Parfois la vie n'est qu'une simple erreur, juste une incompréhension remontant aux lueurs de la conscience, comme un mauvais rêves qui jamais ne fini et qui s'amplifie, grandit, envahissant l'âme et le cœur jusqu'au bord du gouffre de l'aliénation.

Équilibriste imparfait aux pieds d'argile et aux bras tremblants, le câble des émotions partagées, ne cesse de s'effilocher pour dangereusement dessiner une courbe qui tend à m'approcher de cette vérité assassine et douloureuse. Il ni avait rien finalement, juste cette attente inutile, cette course effrénée a travers le rideau de pluie, ces danses bras écartés dans le vent d'automne, ces larmes coulant sur mes vitres de solitude, rien d'autre. Juste ces cruelles trahisons, ces fausses amitiés mortes-nées, ces passions destructrices au goût d'amertume quand la solitude venait me consoler, ces visages souriants aux cœurs ridés, mais rien qui ne justifie que le cauchemar continue

Je m'en vais d'ici vers ailleurs, je pars avec cette dernière idée qui brûle mes veines, qui lacère mon cœur et affame mon âme. Il existe autre chose de l'autre côté du miroir, derrière cette froide glace au reflet usé, un autre monde où aucune aube ne viendra balayer mes nuits, aucun rivage ne viendra freiner mon bel Océan, aucune accalmie ne viendra arrêter ces averses de pluie amante, aucune falaise pour retenir ces vents impétueux si cher à mon cœur, juste de l'autre côté, si lointain horizon enchanteur et pourtant à quelques pas de ma raison.

Il y a parfois des choix qui ne sont que de simples évidences, même si leur compréhension reste intime et troublée, il ne peut en être autrement, il faut que cela se réalise au risque de tout perdre, même si rien ne sera perdu quand le souvenir et la culpabilité chanteront mon nom, quand autours d'un grand feu les fous, les martyrs, les amputés et les clowns blancs regarderont les cieux et qu'ils se rappelleront de leur Roi, souverain de pacotille au Royaume éphémère.