samedi 26 décembre 2009

Un coeur en hiver


Bercé par une douce mélodie, telle une douce plainte murmurée à mon âme, je pose mes pas sur le sol humide et froid, sans me presser, je m'égare dans cet ailleurs, no man's land démesuré où je ne suis qu'une infime particule au regard de ma tendre Lune.

Blottit dans mon manteau de laine, les yeux tournés vers les cieux, chargés de nuages semblant annoncer la neige, je reste là immobile, silencieux, le regard perdu une fois encore, juste au-dessus de l'horizon pour contempler le néant.

Intime sensation que c'est déjà la fin, le dernier acte , le dernière bataille menant à l'inévitable défaite dans cette guerre amante et blasphématoire où aucune divinité ne semble avoir d'emprise sur mes désirs et mes interrogations.

En moi le calme est revenu, les braises se sont doucement éteintes faisant place au vent hivernal, glacial qui s'engouffre silencieusement sous mon manteau, dans mes veines, s'en allant durcir le marbre des stèles de mon cœur cimetière.

Il ni avait rien finalement au bout de ce chemin, tout au bout de la grande boucle, là où la grande aiguille laisse une dernière fois la petite là rejoindre, abandonnant là toute espérance, toute doléance voir toutes les dernières chances.

Apaisement suffoquant, n'amenant que ce terrible constat, cette ultime et seule certitude que tout est déjà fini, intime glorification de l'inutile, dernier sacrifice sur l'autel des regrets pour que la malédiction s'accomplisse enfin.

Rester là, le sourire aux lèvres et les larmes troublant le paysage assoupi, à regarder les flocons de neiges s'aventurer aveuglément à travers l'étendue désertique, recouvrant les dernières traces de vie, les ultimes impuretés.

Écouter le vent d'hiver s'engouffrer dans la forêt des souvenirs et tendre l'oreille pour ramener vers soi le bruissement de ces feuilles amicales, chant funèbre et mélancolique dont l'appel irrésistible referme mes paupières.

Tendre les bras comme pour saisir une compagne invisible et tourner, tourner, pour ressentir une dernière fois l'ivresse de ces nuits assassines qui au matin de rosée n'ont plus aucune valeur, mais qui furent de sensuelles compagnes quand la solitude et la folie noircissaient les pages de mon journal de bord, quand j'embarquais vers ces flamboyants horizons aux saveurs sucrées et au goût de cannelle.

Se retourner pour voir les traces de mes pas incertains s'évanouir sous la couverture immaculée et poudreuse, juste pour ne plus retrouver mon chemin, Petit Poucet aux doigts frigorifiés dont le grognement de l'ogre semble déjà se rapprocher, sauveur des âmes égarées dans ces bois d'infortune.

Remonter son col abîmé, souffler dans ses mains engourdies pour que le froid ne s'en empare pas trop vite, au cas où une dernière prose viendrait à s'échouer par ici, une dernière ligne désinvolte ou réfléchie, avant l'ultime sacrement, non pas comme le dernier souhait d'un condamné, mais telle une bouteille à la mer que jamais personne ne lira, car jamais elle n'atteindra les rivages de mes songes enfantins.

S'accorder un dernier sourire, en voyant la buée se former à chacun de mes souffles et se revoir rouler ces neiges éternelles au cœur de l'enfance pour lancer une boule imparfaite au loin et se dire que jamais elle ne retouchera le sol mais qu'elle s'en ira virevolter jusqu'à ces montagnes aux cimes caressant le manteau nuageux, où sont blotties les milliers d'étoiles composant l'habit d'apparat de Dame Lune.

Se voir s'éloigner au loin, le long de ce chemin disparu et attendre que la silhouette s'éteigne dans la brume naissante, pour se dire enfin qu'il ni avait rien d'autre à faire, aucun regret à emporter dans mon sac de voyageur somnambule, aucun visage à emmener vers cette inaccessible destinée, juste emmener avec soi ces effluves de parfums automnales ou printanières, et ne garder auprès de soi que ce magnifique rire enfantin seul trésor pour affronter le néant qui s'ouvre à présent sous mes pas maladroits...