dimanche 25 avril 2010

The long road to Bruges





Le jour venait à peine de se lever que déjà les nuages cotonneux avaient pris position afin de ne pas laisser l'horizon rougeoyant venir troubler ce réveil trop matinal.
Un jour semblable à tant d'autres mais pourtant si différent à mes yeux.


Il était temps pour moi de retrouver mon âme amante, blottie au fond du regard de la princesse endormie que Baudoin Bras de Fer protégeant du haut de son château fort, dans une autre vie, quand les avides normands déjà rêvaient de cette cité assoupie.

J'allais enfin retrouver mes origines, celles du cœur, celles du trouble et des désirs.

Comme au premier jour où je tombais amoureux de cette belle flamande au doux regard de pierre et de canaux, ensorceleuse dont la magie s'abreuvait dans cette mer cousine de mon intime Atlantique.

Je ressentais encore pour elle cette folle passion , à peine oxydée par ces chaînes de déception et ces fers de turpitudes que la vie loin d'elle m'offrit durant notre séparation.

Retrouver cette désirable sorcière aux maléfices imperceptibles pour le commun des voyageurs, offrant ici ou là quelques chocolats onctueux et apaisants, mais dont la vraie puissance terrassait le cœur des poètes et des fous au regard d'horizon, quand la lune s'élevait au dessus des édifices du Béguinage et des murs du Couvent des Dominicaines.


Je retrouvais l'asphalte humide, l'esprit enfin libéré, moi l'esclave de cette vie où je n'étais rien, un complément imparfait, un compagnon occasionnel ou simplement je n'avais aucun endroit où trouver refuge, aucun regard qui ne puisse m'abriter assez longtemps pour enfin me sentir aimé, me dirigeant vers le nord, le long de ces avenues où chaque pas m'éloignait de mon passé, remodelait mon avenir vers cette destinée que trop longtemps j'avais voulu ignorer.


Repartir enfin vers ces rivages de sable et redescendre le long du bras de mer pour arriver sur les fortifications moyen-nageuse de la cité.
Dame amnésie de ses longs doigts venteux viendra m'accueillir et à jamais effacera mes souvenirs d'ici, m'offrant une fois encore l'opportunité de redevenir moi-même, arrachant et faisant tournoyer ce masque de clown blanc qui depuis trop longtemps entrave ma vue, qui si souvent me rendit invisible quand la douleur dévorait mon cœur et que seules les larmes solitaires avaient le goût âpre de la sincérité.
Je fuyais cet Enfer sans amour, ni partage, cet endroit où chaque seconde semblait annoncer la fin de chacune de mes histoires, pour rejoindre mon Paradis de douceur et de romantisme.


La route était longue jusque là-bas, le chemin toujours chaotique et semé d'embûches aux doux noms de passion et de rêves inaccessibles.

Je m'étais trop souvent égaré sur ces lèvres qui ne m'appartiendraient jamais, dans ces regards où il ni avait pas assez de place pour moi, dans ses bras trop petit pour contenir mes désirs et mes espoirs, auprès de filles qui ne m'étaient pas destinées.


Mon cœur, lui seul, se souvenait de l'endroit où fébrilement j'avais caché mon âme, une belle nuit de printemps quand pour la première fois mes yeux croisèrent ces étendues que seul le sommet du Beffroi pouvait offrir au fou que j'étais.

Dans cette terre d'asile pour les cœurs lépreux, les amants amputés aux solitudes silencieuses et douloureuses, ces amoureux égarés qui un soir partaient le regard troublé par les effluves de l'alcool et qui disparaissant à jamais dans la brume matinale, là où mes frères m'attendaient depuis tant d'années, je pouvais retrouver mes certitudes, redevenir celui que j'étais et que suis malgré moi, malgré vous.


Quand la procession du Saint-Sang aura lieu lors de la prochaine ascension, mon âme enfin retrouvera son réceptacle, mon corps enfin ne ressentira plus ce terrible vide, dévastant, brûlant, tout ce qui se présentait à lui, sans jamais en retirer la moindre émotion durable, sans jamais parvenir à concevoir que l'aube n'est pas une assassine aveugle mais peut offrir des réveils emplis de promesses.


Je pars me retrouver, loin d'ici, loin de vous, loin de tout ce qui pouvait encore me retenir, emportant dans mes valises ces regrets au mont éternel, ces erreurs qui m'empêchèrent de vraiment vous aimer et tous ces précieux regards qui l'espace d'un instant m'offrait la certitude qu'il y avait autre chose, autre part...
Juste près de la Place du Bourg, dans une maison aux murs épais et aux fenêtres ne laissant filtrer qu'un trait de lumière quand l'hiver se faisait trop froid ou la nuit trop sombre où sous un pont enjambant le canal, sur une frêle embarcation un nouvel amour naissait d'un baiser, de deux mains qui enfin se touchaient.


Elle est longue la route qui mène à Bruges, mais c'est la mienne.
Drapé dans ma solitude je ne fixe plus que l'horizon, à travers la voûte nuageuse mère Lune guide mes pas, me contant doucement ces histoires, de Charles le Chauve et de sa passion irraisonné pour sa tendre Judith, celle du
lac d'Amour où les Cygnes, le soir, viennent parader pour leurs belles, juste pour que le temps soit moins long et que je ne me perde plus en chemin.

J'aurais aimé vous emmener avec moi, juste l'une parmi vous, mais vous êtes trop rapidement sorties de ma vie, véritables comètes aux longues traînées de souvenirs dont le goût ne faisait qu'un peu plus me rappeler que je n'étais personne, que je n'étais jamais au bon endroit au bon
moment.

Mais à présent, j'avance l'esprit apaisé, car je sais où se trouve ma place et quand enfin j'aurais gravi les trois cent soixante six marches du beffroi, croisé les quarante sept cloches de son carillon, du haut de ses quatre vingt trois mètres, je serais chez moi et enfin pourront s'envoler ces larmes de joie, là-bas vers cette mer au goût d'Atlantique.

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