dimanche 25 avril 2010

Sombre fou





Sombre fou me disait mon voisin, en me regardant avec dégoût, sot que tu es et saut que tu feras t'amèneront aux regrets.
Rien n'est réel, tout semble figé mais pourtant le monde avance, le temps détruit les rêves et la vie s'évade déjà de ton regard.
Que croyais tu trouver là-bas, que pensais-tu y découvrir ?

Les nuages jamais ne t'attendront et l'eau de pluie ne fera que ruisseler sur ton visage, gronde la tempête, éclate l'orage mais tu ne ramèneras rien de ce voyage au dehors.


Regarde tes mains, vois ces sillons et ces craquelures hideuses, quand le froid viendra s'emparer de toi, quand maître hiver sans pitié et sans distinction te brisera au cœur d'une nuit, que restera-t-il de tout cela ?

Il n'y a rien, tout est ici, crie, hurle, frappe, déchire, pleure, ri mais rien, ni personne ne viendra dans ton sommeil réparer ces erreurs.

Tu es des nôtres, âme flétrie, cœur asséché, regard effacé et peut importe celui que tu auras été, à présent ce n'est plus qu'un lointain souvenir, simple et pénible vague à l'âme qui brûle et consume chacune de tes secondes.


La liberté à pleine main jusqu'à en oublier sa préciosité, le désir et ces nombreux plaisirs pour compagnons de jeu sans que jamais tu ne réalise qu'il s'agissait là d'un cadeau inestimable, cette incroyable faculté à laisser faner ces fleurs de vie que tu cueillais à ta guise et pour ne rien garder, rien retenir, ni apprendre de ces heures lunaires quand tout semblait à ta portée.

Quels étaient tes démons, d'où venait cette lueur dans tes yeux quand tu volais tout là-haut dans ces sphères aux gémissements consentants, quand tu étais le seul maître à bord de ces instants aux limites imperceptibles, quand tous se pliaient, s'abandonnaient, se sublimaient, se trahissaient pour rester contre toi et que d'un geste, d'un regard tu parvenais à tes fins où la morale et la logique n'avaient aucun sésame.

Cette voie trouble, chaotique et irrationnelle t'aura conduit, ici, auprès de moi, l'infirme et le néfaste, comme si dans cette dernière nuit, il te restait encore du temps, une infime particule d'espoir se déchirant entre la compréhension et l'absolution.


Tu peux me maudire, me détester, me violenter mais cela ne changera rien à ce qui arrivera quand les premiers rayons frapperont cette vitre sale aux barreaux rouillés, quand résonnera en toi cet ultime regret, quand un dernier visage te reviendra à l'esprit et que tu prononceras un prénom dont tu n'avais pourtant plus le souvenir, il te faudra partir.

Tout est à présent terminé, rien ne sert de continuer à jouer, juste espérer que l'amnésie te frappera de son courroux au dernier instant et que tout semblera s'enfoncer dans les neiges éternelles, dans une brume cotonneuse, inodore et impalpable, juste pour que la traversée du fleuve ne te coûte pas plus d'une pièce, repoussant la cruelle douleur et l'immonde frayeur qui tentera de s'emparer de tes sens, brûlant ton esprit dans un cratère de larmes en fusion, noyant ton âme sous ces flots de braises incandescentes t'offrant là pour ultime supplice certains plaisirs autrefois connus.


Le silence se fit à nouveau entendre dans la pièce aux murs épais et dont la blancheur frappait mon visage comme une sangle aux flagellations trop appuyées.

Mon voisin avait disparu, sa leçon était dite, apprise à contre cœur par mon cerveau obnubilé par la folle course du temps et il n'y avait pas de réponse à offrir en échange d'un sursis, d'un dernier moment de grâce au parfum délicat de ces peaux amantes, au goût salé dont la rareté en faisait de véritables trésors, éphémères et tendrement dissimulés sous ces tissus précieux, dentelles du Puy ou soies d'Orient , qui autrefois étaient si souvent miennes.

Je referme mes yeux vers ces terres d'autrefois, laissant un dernier cri, une dernière larme ou un ultime rire pour signature quand il faudra remplir le marbre blanc ou le grès des Vosges mais je serais déjà loin des pleurs, des regrets et des interrogations, courant à travers ces nuages sombres aux pluies apaisantes, tournoyant gaiement dans les bourrasque du vent d'automne jusqu'à franchir l'horizon rougeoyant menant à ma terre d'ailleurs aux doux noms de Songes et Fantasme où enfin je pourrais m'asseoir et rire de cette ultime farce que seul mon corps au balancement peu seyant semblera ignorer, vestige d'une vie passée, d'un monde oublié, cellule à présent vide, sans le moindre prisonnier hurlant silencieusement.

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