mercredi 10 mars 2010

Derrière le reflet


Et si je regardais derrière moi, si je me retournais là, maintenant, que face au miroir j'évitais mon regard mais que mes yeux scrutent cette zone à peine visible, venant à distinguer une ombre, un voile à peine décelable.
Que pourrais-je y voir ?
Quels fantômes, quels démons seraient tapis dans ce recoins de ma mémoire ?

Un amour mort au chant d'amertume, une amitié perdue noyée dans cette Mer de Larme où pire encore, les regrets au mont éternel d'un fils n'ayant jamais su, pu,voulu combler ses parents, emportés dans les tourbillons immondes de la maladie ?

Derrière moi, hors de ma vue, mais avec cette étrange et troublante sensation d'être observé, vit ce monde intime, désincarné, aux visages changeant et aux doigts menaçant, sombres apparences d'une époque révolue mais dont la mise en terre n'a de cesse d'être repoussée.
Me suffirait-il de fermer les yeux, de détourner la tête pour ne plus ressentir cette attraction morbide, ce souffle chaud sur ma nuque qui me fait encore frémir, qui un peu plus m'entraîne vers ce déséquilibre dont chaque sens porte encore les stigmates.


Quand il ne reste que les mots pour aimer, que les maux pour exister, que peut-il advenir de l'envie quand le matin s'en vient caresser le bois usé des volets ?
Si la douleur n'engendre plus le plaisir et que le désir n'est plus qu'une longue maladie aux séquelles irréversibles, véritable dégénérescence qui s'immisce jusqu'aux moindres recoins, moindres fêlures de l'esprit et que toute cure semble n'être qu'un sevrage aux rechutes prévisibles, quel chance ai-je de survivre aux prochaines nuits ?


Il y a en moi cette chose qui lentement, sûrement, inexorablement, désagrège chaque particule liée aux pulsions passionnelles, qui étouffe, étend avec une forme de méticulosité insoutenable chaque braise, chaque étincelle sous un amas de peurs et de regrets, m'enveloppant dans une perpétuelle léthargie où je vois mon cœur s'enfoncer, s'ankyloser comme si tout était fini et que la gangrène affective s'étendait à présent au-delà des frontières du royaume de la chair.

Quel combat pourrais-je mener où la victoire semblerait douce et réconfortante ?
Dans quel regard miroir, les ombres s'effaceraient et il ni aurait rien d'autre que moi, muni de mes doutes mais avec mon âme à fleur de peau, récoltant avec précaution, se nourrissant avidement de la moindre émotion, là où pour une dernière bataille je pourrais enfin retirer mon masque et entendre raisonner la complainte victorieuse du clairon ?


Combat invisible au reflet de ce miroir qui ne me renvoie plus qu'une infime partie de moi, juste le contours grossier de ce qu'il semble rester de moi, ce visage au triste sourire que seule une larme vient troubler, où les déceptions ont fini par creuser de profonds sillons, déformant, défigurant mon regard, qui, par lassitude, n'ose plus s'aventurer vers l'autre, terre des rêves les plus fous et des aspirations les plus brûlantes.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

comme toujours si magnifiquement écrit, avec cette "patte" de JUAN qui nous entraîne dans son UNIVERS si particulier ... Bravo ... tout simplement MAGNIFIQUE mais on commence à s'habituer !