dimanche 21 février 2010

Requiem for a Son


Sous cette carapace de cuir aux craquelures significatives, le cœur de chair molle au sang impur semblait espacer ses battements. Comme si chacun était précédé d'une hésitation, d'une réflexion et enfin d'une décision.

Effluve sanguine irriguant les champs improbables de mon esprit dont l'étendue semblait se heurter aux parois bien trop rapprochée de mon crâne bosselé. Fulgurance d'une idée, dégénérescence d'une émotion, délectation d'un sens, tout semblait prétendre à l'absolution face à la beauté de certains sentiments, moments rares dont chaque funérailles furent de magnifiques cortèges de sanglots mélodieux, de peintures aux tons sépias révélant une lumière intense et pure, de fantastiques ballets aux cortèges disparates et silencieux.

Accumulations de mots aux douces saveurs du partage, de complicité dont la faiblesse était de croire à l'immortalité, de regards aux profondeurs abyssales et à la magnificence insoutenable, de caresses innocentes dont la violences de l'étreinte n'était que réconfort et sérénité, de tant de secondes cumulées, enfermées, blotties au fond du coffre aux trésor que l'enfant serre contre sa poitrine au pays des rêves. Puis tout s'éteint, s'ensevelit, disparition assassine, injuste, intolérable mais pourtant supportées, endurées tant bien que mal, malgré la douleur, les larmes, l'absence dans son interminable cruauté...

Mais le combat continue, s'amplifie, s'intensifie, prenant des airs de déjà-vu, intimes mais pourtant inconnus, l'âme écartelées aux quatre vents, le cœurs surnageant sans aucun espoir dans l'océan des eaux aux heures sombres et l'esprit divaguant vers un passé sur le frêle esquif des souvenirs, cherchant éperdument du regard, les rivages de l'ile aux enfants perdus. Retourner vers la terre sainte des années sans craintes, retrouver ces bras amants et cette tendresse aujourd'hui disparue dans le grondement de l'immonde et impétueuse tempête maladive, chimique et fatale.

Comprendre que tout est fini, que le combat est inutile car l'ennemi est bien trop puissant et enfin baisser les bras, bien trop faibles face aux poids des années disparues et des amours déchus, s'agenouiller face au destin et tendre sa nuque dans une ultime révérence. Juste pour que l'orage cesse, pour que le tumulte incessant s'en aille au loin, me libérant du joug de ce terrible tortionnaire aux allures de fantôme aux milles visages et aux milles parfums. Sentir le vide s'emparer de mon corps, le délestant de toutes ces questions, ces hésitation et autres incertitudes pour enfin trouver une réponse limpide, effrayante mais tellement évidente.

Comment accepter cette absence, ce manque blessant et ne garder comme dernière image que ce visage blafard au regard trop tôt devenu étranger ?
Comment retenir ces larmes quand la nuit se perdent dans ces limbes alcoolisées et qu'au milieu des volutes de cigarettes reviennent, lentement, doucement ces spectres amicaux ?
Comment éteindre ces incendies que mon cœur allume dans mon esprit enraciné et que les vents de la colère attisent à chaque bourrasque-souvenir ?
Comment dire adieu à ceux que l'on a tant aimé, à celle qui nous à tout offert et dont la dette que je porte en moi jamais ne sera réglée ?
Comment vivre encore une nuit, une heure, une minute, une seconde de plus en sachant que tout cela est perdu à jamais ?

Retrouver vers le néant, cordon ombilicale de corde vêtue, parure cinglant mon cou tendu juste pour se dire que rien n'est fini mais que toute fin est un dernier recommencement. Partir le sourire aux lèvres, les yeux au bord de l'horizon et fredonner une ultime fois cette berceuse lointaine pour ne pas s'égarer dans ces terres inconnues où enfin l'âme sera libérée de cette lourde chair inutile et indolente.

Il y a quelque part, ici ou ailleurs, un arbre centenaire qui m'attend, au fond d'une nuit venteuse au cœur d'un dernier hiver et dont chaque pas, chaque mot, chaque ligne que je parcours, me mène vers lui. Requiem pour un fou, ballade d'un orphelin dont le chant-murmure se confond avec les longs mugissement du vent sur la cime de l'immense forêt de la solitude.

Jamais plus je ne serais un fils, même imparfait et trop souvent absent.

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