mercredi 10 février 2010

Au Royaume Éphémère


Il existe un combat incessant, une lutte acharnée dont chaque affrontement est d'une violence inouïe, véritable guerre intime entre deux adversaires ancestraux qui jamais ne pourront se concilier. Ultime assaut de la raison pour ne pas entraîner la chute inévitable qui se profile déjà sur l'horizon couchant, instant où le maître temps s'affole et se contracte, se crispe entraînant chaque seconde vers les abîmes de l'oubli, terrifiante armada d'arguments et autres escadrons de réflexion balayés d'un revers par la puissante guérilla du cœur, général aveugle et sourd, dont la folie guide sa stratégie, enfonçant toutes les résistances de papiers, tous les barrages de fumée sur le long et pénible chemin menant au trône.

Quand les ténèbres silencieuses, envoûtantes et grondantes s'abattront, les cieux déchirés viendront enflammer avec fracas et démesure le champ de bataille ensanglanté par les larmes et les remords pour célébrer le vainqueur, despote amnésique aux pages blanchies par les erreurs et les égarement.
En ce royaume nocturne, aux longs arbres décharnés aux pendus dansant et aux longues avenues désertées sous la pluie , il ni a pas de place pour le perdant, aucune pitié n'est tolérée, seulement les remords de la veille reconvertis en regrets du lendemain, et au milieu quelques heures à combler, a sublimer, a souffrir pour repousser l'amertume de la vérité, tenir coûte que coûte sur le trône de cet empire éphémère, jusqu'à l'aube ennemie et brûlante, dont la brutalité et la ponctualité me lacère profondément, m'apportant tant de raisons implacables pour ne plus vouloir assister à ma déchéance quotidienne.

Roi d'un univers de ruines mais où se cachaient les plus fabuleux des trésors, les plus valeureux guerriers et les plus douces muses dont chaque regard, chaque rire alimentait ces poètes aliénés aux passions dévorantes. Derrière ces murs sombres de chair et de sang, il y a avait là un véritable refuge pour les estropiés, les fous, les martyrs et les saltimbanques. Formidables soldats aux armes de prose et aux armures de désinvolture, qui avec frénésie sublimaient chacune des secondes que le sablier leur offrait, ici loin des regards de l'inquisition diurne, loin du jugement dernier dont le son des cors résonnait déjà par-de là l'horizon.

Dans cette lutte fratricide, mon cœur à trop souvent vaincu un adversaire, il est vrai parfois trop conciliant, trop faible, trop lâche pour m'éloigner de la nuit et de ces illusions destructrices. Brûler ses instants en s'éloignant du reflet accusateur du miroir, gardien inébranlable des souvenirs entachés de ces erreurs et de ces fausses croyances, quand le messie passion clamait haut et fort que tout était là et qu'il fallait simplement s'en saisir.

Se noyer dans de faux espoirs, dans de somptueux sentiments et de voluptueuses sensations, que l'éclat de Lune semblait rendre éternel, quand sous les cieux étoilés, la raison assoupie me laissait seul à la barre de mon navire, le guidant vers ces phares illusoires, qui n'étaient que d'immenses feux entretenus par le désir, m'amenant vers ces terribles et blessants récifs de trahison. Sur le carnet de bord, bien avant que l'aube n'arrive, je m'empressais de tout effacer, ne laissant aucune trace, aucun détail ni la moindre preuve de ces échecs et de ces désillusions, juste pour qu'au prochain affrontement la raison n'en fasse son arme favorite.

Dans mon Royaume aux heures creuses et silencieuses, je comprend le sens de ces appels que je perçois si souvent. Sur la plus haute colline déjà j'aperçois les préparatif de mon départ. Il faut juste réussir à s'extraire de ces obligations, se débarrasser de certaines voies menant aux autres, ceux qui restaient là, la bouche grande ouverte quand dame Lune envoyait ses plus belles étoiles traverser le ciel aux nuages bienveillants, ceux qui d'un mot, d'une note, d'un dessin semblaient perdre la raison, perdre l'équilibre sous la fulgurance de la beauté ou de la laideur selon le miroir devant lequel on se tenait.

Réussir à s'évanouir dans les ténèbres, s'allonger dans la brume suspendue, se noyer dans ces torrents de pluie pour ne plus laisser la moindre chance à ceux que l'on aimait d'un sourire ou d'un gémissement de nous retrouver trop tôt, trop vite. Il y a dans chaque douleur, une beauté, une puissance et une folie qui parfois sauve les âmes égarées, les guidant à travers les nuits solitaires et brumeuses vers l'oubli ou le néant.

Parfois la vie n'est qu'une simple erreur, juste une incompréhension remontant aux lueurs de la conscience, comme un mauvais rêves qui jamais ne fini et qui s'amplifie, grandit, envahissant l'âme et le cœur jusqu'au bord du gouffre de l'aliénation.

Équilibriste imparfait aux pieds d'argile et aux bras tremblants, le câble des émotions partagées, ne cesse de s'effilocher pour dangereusement dessiner une courbe qui tend à m'approcher de cette vérité assassine et douloureuse. Il ni avait rien finalement, juste cette attente inutile, cette course effrénée a travers le rideau de pluie, ces danses bras écartés dans le vent d'automne, ces larmes coulant sur mes vitres de solitude, rien d'autre. Juste ces cruelles trahisons, ces fausses amitiés mortes-nées, ces passions destructrices au goût d'amertume quand la solitude venait me consoler, ces visages souriants aux cœurs ridés, mais rien qui ne justifie que le cauchemar continue

Je m'en vais d'ici vers ailleurs, je pars avec cette dernière idée qui brûle mes veines, qui lacère mon cœur et affame mon âme. Il existe autre chose de l'autre côté du miroir, derrière cette froide glace au reflet usé, un autre monde où aucune aube ne viendra balayer mes nuits, aucun rivage ne viendra freiner mon bel Océan, aucune accalmie ne viendra arrêter ces averses de pluie amante, aucune falaise pour retenir ces vents impétueux si cher à mon cœur, juste de l'autre côté, si lointain horizon enchanteur et pourtant à quelques pas de ma raison.

Il y a parfois des choix qui ne sont que de simples évidences, même si leur compréhension reste intime et troublée, il ne peut en être autrement, il faut que cela se réalise au risque de tout perdre, même si rien ne sera perdu quand le souvenir et la culpabilité chanteront mon nom, quand autours d'un grand feu les fous, les martyrs, les amputés et les clowns blancs regarderont les cieux et qu'ils se rappelleront de leur Roi, souverain de pacotille au Royaume éphémère.

Aucun commentaire: