mardi 16 février 2010

Ombre Lunaire



Quand l'ombre s'efface, il ne reste rien...

Une fois la peinture au teint pâle retirée de mon visage, quand les projecteurs s'éteignent, quand la foule se retire un sourire au lèvre et le cœur léger, je peux enfin me retrouver. D'un habit de lumière aux flamboyances aguicheuses, je revêt mes plus obscurs dessein, mes plus sombres pensées. Je retourne vers ces ténèbres grandissantes quand Dame Lune s'en revient me prendre par la main. Enfant Lunaire aux songe étiolés, aux rêves effilochés, je me complète enfin, retrouvant mes esprits aux bord de la falaise de la raison où si souvent je me laisse tomber pour m'abrutir, pour me briser, pour me sublimer.

Me noyer dans ces tourments pour en extraire la pureté d'une douleur, la complexité d'un rire ou la profondeur d'un regard égaré, comblant mon âme affamée dont chaque sens acquiert étrangement une perception différente, une dimension grisante où le moindre détail, la plus infime des fêlures, le plus petit des interstices devient l'objet de mon désir le plus brûlant. Je ne suis rien quand l'aube fait de moi ce simple comédien, bouffon aux grelots trop bruyants, clown grotesque au rire profanateur et que seul l'ombre vient sauver de l'anonymat et de la rationalité.

Comme un prolongement de mon intimité, il y a avait là la part la plus obscure de mon être, aux regards de tous, dissimulé dans un phénomène naturel, l'essentiel de ma richesse, où les plus lourds, les plus doux et les plus terribles des secrets étaient amoureusement conservés. Que serais-je sans elle, qui serais-je sans elle ?

Sortir de l'ombre pour m'exposer à la lumière, froide et fade où tous ces enfants solaires se complaisent en ne voyant là que le futile et le vide, chair et parures surestimées où sans mon ombre je ne pourrais que me perdre, m'oublier et ne plus retrouver mon chemin vers cet autre que je suis. Dans l'ombre de mon corps aux contours incertains et changeant, comme un trompe l'œil, une terre sans frontière, un univers sans limite s'élevant au-delà de la voûte étoilée existait.

Quand la pénombre s'avançait, annonçant la fin du spectacle, que mon cirque se vidait des derniers regards, je pouvais m'affranchir de tous ces dogmes et autres insignifiantes processions pour procéder au rituel de ma renaissance.

Au milieu de ma nuit de solitude, là où seuls les regards des fous et des saltimbanques viennent à se perdre , mon ombre loin de disparaître, venait à se fondre dans les ténèbres ambiantes, entité spirituelle aux ailes de velours, voyageur téméraire d'un royaume à la beauté douloureuse et à la laideur attirante, où enfin je pouvais laisser couler ces larmes de joie et éclater ces rires aux résonances inquiétantes.

Mon corps simple réceptacle de mes sens aiguisé n'avait plus de valeur, juste parfois véhicule d'un désir trop violent, d'un plaisir aux troublantes intonations, mais dont le guide au feu immense, à l'éclat de rire tragique, pouvait inlassablement se repaître de ces mots à peines murmurés, de ces regards hésitants et de ces non-dits aux silences équivoques, qui au matin levant seront de lourdes chaînes grinçantes, aux regrets culminant vers les monts éternels d'un passé trop vite dilapidé.

2 commentaires:

MirenElle a dit…

C'est très beau Juan,
Lune
C'est
Etrange
Envoûtant
Ces moments où l'on se perd
où l'on se retrouve...?
A savoir...
Sans savoir vraiment...
Juste troublant...

A bientôt mon cher,
Journée dans laquelle la lune persiste dans une idée de neige...

Xoan a dit…

Merci Miren pour ces quelques mots.
la Lune même en plein jour reste bienveillante...voir aimante.
A bientôt.