dimanche 22 mai 2011

Lettre à ma mère



Yutz le 22 mai 2011

 
 
 
 
Chère maman,
 

Au milieu de cette nuit solitaire, je t'envoie cette lettre, comme une bouteille à la mer, comme une lueur frémissante d'une aurore boréale, comme une main tendu vers toi, moi ton orphelin.

Déjà sept printemps que tu es partie, déchirant mon cœur, écrasant mon âme par ton absence, par ces souvenirs de vie qui s'évanouissent avec le temps.
Erosion des images même si les sentiments perdurent, apportant trop souvent tristesse et douleur.

Je ne saurais dire pourquoi ton visage et ta voix me semblent plus lointains chaque jour qui passe, chaque nuit où seul je pense à toi et que je retourne vers tes bras amants, aujourd'hui si froid et si peu réconfortant.
Il y a là comme une injustice, une malédiction...

J'ai gardé en moi ces leçons de vie que tu m'as inculqué, ce courage et ces sacrifices que tu me montrais jours après jours, juste pour me préserver, juste pour que plus tard, je puisse parvenir à être heureux, à me sentir apaisé dans le regard de l'autre et rester sur le chemin d'un amour partagé.

J'ai essayé si souvent, appliquant ce que tu m'avais appris, acceptant tant de choses juste parce que j'ai vu dans ton regard tant de tristesse et de force aussi, qu'il me semblait normal qu'aimer sans retour pouvait être une forme d'amour.
Que parfois il fallait accepter de souffrir ou de pleurer caché pour poursuivre une aventure, qu'au fil du temps les choses changeraient et qu'enfin on m'aimerait vraiment.

Je dois t'avouer que je n'ai gardé de ces moments que la brulure de la trahison et de l'amertume des déceptions pour seuls bagages, pour seuls trésors, pour seules compagnes.

Cette sensation tenace qui m'accablait et me persécutait, que probablement les erreurs venaient de moi, que je n'étais pas celui qui pouvait convenir, que l'amour que j'offrais n'avais que trop peu de saveur, n'était pas assez précieux ou intense pour en recevoir assez en retour.
Je n'étais qu'un fils qui n'avait pas bien appris ces leçons ? N'étais-je finalement que ton reflet, la continuation de tes erreurs ou de tes rêves brisés par un ogre d'autrefois ?

J'aurais tant aimé que parfois tu sois encore là, juste pour me murmurer que je n'étais pas toujours le fautif, qu'il y a eu des mauvaises rencontres, des obstinations inutiles et qu'au fond de moi, c'était vraiment un amour pur que je voulais offrir.

Comment rendre heureux l'autre quand les vieux fantômes inquisiteurs sont encore là pour me rappeler ces mots qui trop souvent m'ont blessé ?

Pourquoi ne m'as-tu pas appris à me défendre, à me protéger quand l'amour n'était plus qu'une arme destructrice entre les mains de l'autre ?

Je ne savais qu'aimer comme tu me l'avais appris, en acceptant trop parfois, en pardonnant au bourreau et brûler à jamais les amours passés pour espérer continuer sans trop de cicatrices, trop de plaies béantes.

Je n'ai jamais été le fils parfait, je n'ai jamais été l'ami rêvé, je n'ai jamais été l'amant extraordinaire, mais étais-ce suffisant pour endurer toutes ces cruelles déceptions, pour que trop souvent on ai eu honte de moi ou que l'on m'oublie au bord du chemin.
N'étais-je qu'un passager de la pluie, un simple rêveur aux songes stupides et aux aspirations incompréhensibles ?

Donner sans rien attendre en retour était parfois si difficile, frustrant, apportant le manque et plus tard les regrets, comme si le fait d'espérer d'être aimé en retour était une chose impossible, inconcevable...

Depuis ton départ, ma vie n'a été qu'un vaste champ de désolation, heureusement fleuri par ces amis que tu connaissais et quelques nouveaux qui t'auraient enchanté et par l'amour de ma sœur qui, malgré les heurts et les incompréhensions parfois, m'est toujours si précieux.

Mais l'amour m'a fuit trop souvent, parfois j'ai préféré être lâche en m'enfonçant dans la facilité qui n'était pas ce que j'attendais mais pouvais me servir de mensonge en travestissant l'amour par des passions éphémères.

Sept longues années avant de t'écrire ces quelques lignes, sept ans avant de revenir vers toi, même si chaque jour tu es dans mes pensées...

Je me suis battu tout ce temps simplement pour être heureux, je ne voulais que partager ces émotions qui seuls ne me faisaient que souffrir, mais à chaque fois la déception était au rendez-vous, la solitude également.

Jusqu'à ce dernier automne où tout a changé, tout ce que je croyais perdu à jamais a enfin pris tout sons sens, simplement à travers le regard, le sourire d'une fille comète venant s'écraser sur mon cœur rocher, une fille poussière d'étoile réussissant à faire scintiller mes yeux éteins, une fille déesse à l'âme aux reflets d'espoir.

Il y a peu tu as rencontré cette personne, quelqu'un, qui je le sais, t'aurait énormément plut.
Je sais que tu dois être triste de n'avoir jamais pu la serrer dans tes bras, de rire avec elle aux éclats et ensemble de venir vous moquer amoureusement de moi.
Mais elle aussi ressent ce manque et ces regrets de moments partagés avec toi.

Malgré ton absence, je sais que tu continues à lire dans mon cœur, tu sais à quel point cette fille a changé ma vie, à quel point j'avais cessé de croire en son existence et que j'ai au fond de mon cœur la certitude que c'est elle que j'attendais.

Mais il y a encore en moi tant de plaies et de cicatrices qui défigurent l'amour que je porte en moi, tant de fantômes qui s'agitent quand le doute ou l'incompréhension me surprennent, que j'ai peur d'effrayer, de n'être pas compris et qu'au final je n'apporte pas ce qu'il faudrait, provoquant tôt ou tard ma fuite vers d'autres horizons sombres et solitaires trop connus par le passé.

Je suis resté ton petit garçon avec ses vieux rêves, avec cette façon d'être qui n'est probablement pas la meilleure mais c'est celle que tu m'as apprise.
Je suis juste un peu plus seul parfois, avec certaines craintes et des certitudes que je n'avais pas la dernière fois que tu m'as serré dans mes bras.

De là-bas tu sais qu'aujourd'hui je sais parfaitement conjuguer le verbe "aimer" à tous les temps, mais grace à cette fille, surtout au présent et au futur et que j'en connais la véritable signification quand je la regarde...

Mais suis-je l'ami, le frère ou l'amant qui est capable de donner assez pour que l'on accepte et pardonne mes erreurs ou mes manques ?

J'aurais tant aimé qu'un soir, quand la voûte céleste aurait brillé de mille feux, pouvoir te poser toutes ces questions, entendre ta voix me raisonner ou me gronder s'il le fallait.
Mais je n'ai plus que ton lourd silence et ce manque de toi pour accompagner ces nuits estivales...

Malgré ces sept années, je continue à t'aimer, différemment, imparfaitement, perdu entre douleur et joie, entre regrets et souvenirs fabuleux, mais d'une certaine façon dans notre relation si particulière à présent, je ne fais que continuer ce que toi tu as si souvent accepté : t'aimer sans retour...même si je sais que quelque part l'amour que tu m'as toujours porté, survit, mais presque inaudible, impalpable.

Tes bras et tes doux baisers affectueux me manqueront toujours, à présent, crois-moi, je regrette tant toutes ces fois où je les ai fuis.

Je n'ai pas été le fils que tu espérais, je n'ai pas été l'ami que l'on attendait, je n'ai pas été le frère rêvé, je n'ai pas été l'amant irremplaçable, mais j'ai toujours aimé sans compter, sincèrement, malgré mes imperfections, mes maladresses ou mes erreurs...

J'espère que tu le sais, j'aimerais tant que tu le crois...


J'allais oublier, bon anniversaire...

Aucun commentaire: